vendredi 30 avril 2010

Rilke : Sonnet à Orphée II 1 (2 traductions M.P., avec et sans rimes)


traduction complète à : 

 
Cinquante-cinq Sonnets à Orphée, qui parcourent toutes les facettes, archaïques ou modernes, de la poésie. Orphée dépecé imprègne le monde entier.
La figure mythologique domine la première partie.
Le premier sonnet de la deuxième partie reprend ce thème, mais sans habillage mythologique, dans son sens le plus simple : l'inspiration pulmonaire. L'air qui nous est prêté par le monde, le poète le restitue in-formé, sculpté, en une parole de beauté. Le mot ex-pression doit lui aussi être pris en son sens le plus simple : ex-piration.

Ce sonnet, le plus beau peut-être du recueil, un des plus hardis du point de vue formel, je l'ai lu, relu, remâché, des semaines, des mois durant, jusqu'à le respirer, l'assimiler - ou m'assimiler à lui. Je n'ai pas pu me décider entre une traduction rimée, plus dans ma façon habituelle, et une non-rimée, plus libre, pour un poème d'une grande liberté.


Atmen, du unsichtbares Gedicht !
Immerfort um das eigne
sein rein eingetauschter Weltraum. Gegengewicht,
in dem ich mich rhythmisch ereigne.

Einzige Welle, deren
allmähliches Meer ich bin ;
sparsamstes du von allen möglichen Meeren,-
Raumgewinn.

Wieviele von diesen Stellen der Räume waren schon
innen in mir. Manche Winde
sind wie mein Sohn.

Erkennst du mich, Luft, du, voll noch einst meiniger Orte ?
Du, einmal glatte Rinde,
Rundung und Blatt meiner Worte.





Invisible poème, respiration !
Pur échange du mien
sans cesse avec l'externe. Compensation
rythmique en laquelle j'adviens.

Onde unique, onde,
je suis ta lente progression
en une mer - la plus économe du monde -
expansion.

Nombre de lieux trouvèrent place et furent un moment
bercés en moi. Maintes brises
sont mes enfants.

Me reconnais-tu, air qui contiens encore mes espaces à profusion ?
Douce écorce prise
pour feuille et galbe de ma diction.



Souffle, invisible poème       
où purement toujours s'échange avec moi-même l'espace
du dehors. Contrepoids
dans lequel rythmiquement j'adviens.

Onde unique dont
je suis la devenante mer,
toi de toutes les mers la plus parcimonieuse,
expansion.

Des foules de ces places d'espaces furent
en mon sein. Plus d'un vent
m'est un fils.

Air, me reconnais-tu, encore tout chargé de ces lieux qui jadis furent miens,
toi naguère écorce lisse
et feuille souple épousant mes paroles ?

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